Séné. « Ici, à Port-Anna, je ne suis pas un étranger »

Jobig Courtel, chevalier de la légion d’honneur, est membre du bureau de section SMLH du Morbihan.

Article paru dans Ouest-France le 25/07/2020,

Séné

 

Les badauds, qui se promènent sur le port de pêche du golfe, peuvent rencontrer « Jobig », 93 ans, ancien capitaine au long cours, qui passe ses après-midi à regarder la mer. Joseph Courtel a connu toutes les mers du monde et pourtant, selon lui, les plus beaux paysages sont bretons.

Entretien Joseph Courtel (*),

ancien capitaine.

Votre histoire est très liée à la mer ?

J’ai toujours aimé la mer. Mon père s’appelait Joseph Courtel, capitaine au long cours. Comme son père, il portait le même nom et exerçait la même profession. À ma naissance, ma mère a pensé que trois Joseph de suite, ça faisait beaucoup et a décidé de m’appeler « Jobig », petit Joseph en breton. À 7 ans, j’ai eu mon premier canot. Pas une plate car mon père n’aimait pas les plates. C’était un canot à clins, en acajou. Pour l’obtenir, mon père a exigé que je sache nager. Un jour, je lui ai annoncé que la chose était faite. Il m’a alors pris dans les bras et m’a jeté dans l’eau. Le lendemain, j’avais mon canot.

Vous avez donc eu une carrière de capitaine au long cours ?

J’ai choisi la Marine car je voulais faire comme mon père, fusilier marin en 1914 et capitaine au long cours. En 1940, j’ai passé mon bac à Dakar, au Sénégal, puis j’ai étudié math spé et math sup. Je me destinais à l’École Navale, mais mon père pensait les conflits armés finis. Il craignait que l’inaction m’ennuie et m’a dissuadé. J’ai donc préparé la marchande. J’ai fait mon service national en tant qu’élève officier en Indochine. Après la guerre, je suis entré comme patron chez Delmas-Vieljeux. Après 1945, l’importation des bois exotiques s’est imposée comme le trafic majeur de Delmas-Vieljeux. C’était la première compagnie européenne en Afrique. Chez Delmas, je convoyais essentiellement du bois. J’ai fait ce métier durant douze ans car, ayant contracté une maladie en Indochine, j’ai été interdit à la navigation. Le patron de Delmas a souhaité me garder et m’a nommé directeur à Paris. À 62 ans, j’ai fait valoir mes droits à la retraite et suis devenu président du port de Nantes Saint-Nazaire, puis président des ports de France, pour arrêter ma carrière à l’âge de 75 ans. Revenu à Vannes, j’ai été administrateur de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer) à Paris, sous la présidence de l’amiral Leenhardt, ancien copain d’Indochine.

Pourquoi être revenu à Vannes ?

Port-Anna, c’est un décor de rêve. J’ai un ticket pour Séné. Je suis né au bout du Golfe. Ici, je ne suis pas un étranger. J’ai parcouru le Monde, mais rien ne m’intéressait. Le Golfe, c’est chez moi. Le Golfe a fait mon éducation de la voile. Les risées, les courants, c’était mon apprentissage.

(*) Joseph Courtel est né le 18 avril 1927, à Vannes. Aujourd’hui, après une vie sur toutes les mers du monde, il est revenu vers ses origines vannetaises.

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